TAIG KHRIS (L’enfant du Trocadéro devenu homme du Monde)

TAIG KHRIS (L’enfant du Trocadéro devenu homme du Monde)

TAIG KHRIS

(L’enfant du Trocadéro devenu homme du Monde)

 

Si j’ai décidé de parler de Taïg Khris aujourd’hui, ce n’est pas pour son palmarès ou son record à la Tour Eiffel, mais bel et bien pour le parcours qui a précédé ces exploits. Taïg est la preuve que la persévérance est la mère de la réussite et que la chance ne se trouve pas dans une pochette surprise.

 

I/ A l’état brut.

Né le 27 juillet 1975 sous le signe du Lion, Taig Khris verra le jour à Alger. Son prénom le prédestine à faire de grandes choses puisqu’en dialecte berbère, Taig veut dire « capable ».

Passionné par la vie et par tout ce qui la compose, la poursuite de ses rêves est le leitmotiv de son existence. Anticonformiste et entêté, il ne supporte pas l’évocation  de l’impossibilité. Créatif, le rider n’hésitera pas à se mettre en danger pour réaliser de nouvelles figures et le Businessman autodidacte n’hésitera pas à travailler nuit et jour pour gérer lui-même les différentes parties de son entreprise. Mais la principale qualité de Taïg Khris reste la persévérance.

Le rêve et la persévérance sont, selon moi, les deux facteurs indispensables pour vivre une vie passionnée.

En effet, sans la création de l’idée, sans le rêve, nous ne saurions pas après quoi courir et nous nous perdrions dans le tourbillon de la vie conformiste. Mais la persévérance est notre couteau suisse face à l’adversité. C’est elle qui nous donne les ressources nécessaires à la survie de nos ambitions lorsque les tempêtes s’abattent sur notre passage. Sans elle, aucun rêve n’est atteignable.

Sans la persévérance, Taïg Khris n’aurait probablement jamais été Champion de Roller.

 

II/ Un environnement familial.

Son père, Reda, passionné de théâtre, était comédien, auteur et metteur en scène à Alger. Il avait notamment collaboré à une pièce de théâtre sur la libération des femmes. Entre succès et censure, cette dernière n’était en tout cas, pas passée inaperçue.

C’est d’ailleurs dans une salle de théâtre qu’il rencontrera Aléka, une jeune sculptrice grecque ayant dû quitter son pays suite à la montée de la dictature des colonels.

Cette union créera des tensions entre Aléka et son père. En effet, ce grand architecte grec imaginait marier sa fille à un docteur et non à un artiste.

Athée de surcroit, le père de famille devra quitter sa terre natale, sans argent en poche, durant la montée de l’intégrisme en 1980. C’est ainsi que le couple Kris s’installera à Paris avec ses deux enfants.

L’humanisme de Reda dirigera sa reconversion vers le métier d’éducateur de prévention dans les cités, alors qu’Aléka décidera de poursuivre son métier de sculpteur à son domicile pour s’occuper de ses deux fils. L’argent gagné grâce à ces activités servait à nourrir la famille et financer les voyages. En effet, si aucun excès n’est toléré dans les dépenses des Khris qui ne disposent même pas de la télévision, ces derniers n’entendent pas rester à Paris toute l’année. Quittant leur appartement Parisien de 45 mètres carrés qui est d’ailleurs le seul bien matériel appartenant à la famille, ils vivront dans des tentes deux mois par an au village natal d’Aléka nommé Ilia, avec pour seule nourriture les produits pêchés dans la journée. Ils passeront les quatre mois suivants à visiter le Monde au gré de leurs envies.

Taïg grandira ainsi dans un climat d’amour et de confiance. Donnant libre court aux envies de leurs enfants, les parents les laisseront décider de s’inscrire ou non à l’école. Ils les soutiendront ensuite dans leur apprentissage guidé par la conviction de sa mère que c’est la vie, elle-même, qui leur apprendra d’elle tout ce qu’ils doivent connaitre. Cette éducation anticonformiste le conditionnera à vivre pleinement chaque instant sans peur du lendemain.

C’est ainsi que Taïg passera le plus clair de son enfance avec son frère, Eline, de dix-huit mois son ainé. Sa grand-mère trouvant son prénom trop féminin, il sera surnommé Lino.

Alors que certains adolescents scolarisés tombent dans la délinquance, Taïg Khris, élevé et éduqué par ses parents, sans l’aide de l’éducation nationale, vivra une enfance tranquille et sans faux pas. Démuni de richesse matérielle, Taïg Kris dispose, au sein de sa famille, d’amour, de dialogue et surtout de confiance. On ne laisse pas l’adolescent dehors pour s’en débarrasser, mais pour qu’il vive et apprenne de la vie. En parallèle, sa liberté est sans cesse accompagnée d’un dialogue bienveillant. Peu importe la conformité de l’apprentissage, peu importe la nature de l’enseignement, le dialogue est à la base de toute chose. Le dialogue est la principale raison de l’échec comme de la réussite, de la délinquance comme de l’humanité.

 

III/ Ses blessures, ses échecs

Dans un premier temps, Taïg Khris commencera le patin pour suivre son frère dans son nouveau passe temps. Sa première blessure d’enfance sera d’ailleurs un sentiment d’infériorité face à ce frère qui réussit dans chaque domaine qu’il entreprend.

Ce malaise le motivera à se surpasser pour le dépasser. C’est ainsi que, profitant de l’absence de Lino au Trocadéro, lieu où ils se rassemblent chaque jour avec leurs amis, Taïg, découvrira, grâce à un ami, le patin sur rampe. Ayant pris de l’avance sur son apprentissage, il compte bien saisir l’opportunité de faire de ce sport la discipline où il sera meilleur que son frère.

Quelques mois plus tard, Taïg Khris participera à sa première compétition. L’argent lui faisant défaut, il fera appel au système D en achetant comme seule protection, des genouillères au magasin de bricolage, qu’il disposera sur chaque articulation et os à protéger. Un ami lui prêtera un casque de moto pour sécuriser son crâne. Submergé par la peur, il finira onzième alors que l’accès à la finale sera réservé au dix premiers.

Plus tard, Taïg Khris tentera sa chance au Championnat du Monde en Allemagne. Muni de son passeport Algérien et d’un visa obtenu in extrémiste mais toujours sans le sou, il négociera avec le magasin « Hawaii Surf » pour qu’il finance son billet de train. Mais la halte de ce dernier en Belgique mettra le jeune homme, démuni de visa belge, dans l’illégalité. Il devra alors supplier le contrôleur de fermer les yeux sur sa présence. Arrivé à Münster avec son ami, Magik, ils passeront la nuit à la gare, puis chassés par la police, ils la  finiront dehors, sur un banc. Réveillés par le froid, à quatre heures du matin, ils se rendront à la rampe de compétition que Taïg voudra rapidement tester. Torse nu et malgré la fatigue, il s’élancera avant de chuter et de se brûler le dos. Il se relèvera pour faire effectuer  une nouvelle tentative, mais tombera, cette fois, sur la tête. Il perdra alors conscience et se réveillera avec une hanche cassée. Le parcours du combattant devant le mener à son rêve se terminera finalement à l’hôpital.

Taïg Khris tentera sa chance l’année suivante. Fort de sa première expérience, il règlera tous les problèmes administratifs bien avant la compétition. Titulaire d’un billet d’avion, il sera victime d’un carambolage sur la route de l’aéroport. L’avion ne l’attendra pas et il devra se résigner à prendre le train en urgence. Arrivé à temps pour la compétition, Thaïg est fin prêt pour son premier essai. Malheureusement, ça n’est pas le cas de la rampe qui s’écroule sous ses patins faisant de nombreux blessés. La compétition n’aura plus jamais lieu à Münster.

Il retentera sa chance à Lausanne en 1996, mais cette fois, c’est en essayant une figure jamais réalisée auparavant qu’il tombe sur la tête et s’écrase les cervicales.

Taïg Khris devra, très tôt, soutenir sa famille financièrement. Son père ayant arrêté de travailler après avoir économisé durant de nombreuses années pour donner une dernière chance à sa passion, dilapidera son pécule d’un seul geste de générosité. En effet, un jeune qu’il avait aidé  à monter sa société de transport se fera voler de la marchandise qui ne sera pas remboursée par l’assurance. Pour le sauver de la prison, Reda remboursera la marchandise d’une valeur de deux cent trente mille francs, remettant ainsi ses comptes à zéro. Pour subvenir aux besoins de la famille, les parents ouvriront un restaurant dans lequel Taïg travaillera dès l’âge de douze ans. Mais, ne rapportant pas d’argent à la famille, le commerce mettra le jeune homme face à la peur du lendemain pourtant chassée jusqu’à présent pas ses parents. Il arrêtera alors le roller pendant deux ans pour assumer ses responsabilités familiales.

La gestion financière de son père sera la base des seuls conflits qui les opposeront. En effet, bien plus tard, le père ouvrira un magasin de roller qui deviendra rapidement un gouffre financier que Taïg devra assumer. Enfin, ce dernier perdra cent mille euros après un mauvais investissement en Bourse de son père qui décidera de dépenser l’intégralité d’un de ses comptes dont il lui avait donné procuration pour l’achat d’une action.

Alors que la plupart d’entre nous aurait attendu quelques années pour se faire passer pour un héros ayant survécu à  une mauvaise chute au Championnat du Monde de Münster et se serait caché pour pleurer sur sa déchue carrière, Taïg Khris, lui, est devenu un véritable héros dans le monde du roller et de la survie. Il savait d’où il partait, où il voulait aller, et la difficulté de la randonnée qui l’attendait lui importait peu, tant qu’elle menait à l’objectif.

 

IV/ Sa réussite

La première réussite de Taïg Khris aura lieu en Avril 1990, le lendemain de sa première compétition. Malgré son échec, sa passion le poussera à aller voir la finale. Repéré dans le public, il sera appelé pour remplacer un finaliste qui se sera blessé à l’entrainement. N’ayant pas le temps de réfléchir, il se lancera et remportera une planche de skate en souvenir de son premier podium puisqu’il finira deuxième de la compétition. Cette victoire sera un déclic dans la vie de Taïg puisqu’elle lui donnera la force de croire en lui pour le reste de sa vie.

Mais c’est en 1996, que débutera réellement sa carrière. Après deux années loin de rampes, il décidera d’apprendre le roller in line pour participer à une importante compétition se déroulant à Bercy. C’est suite à cette cinquième place, qu’il décrochera son premier contrat de sponsor avec RollerBlade pour un salaire de deux mille marks par mois. Il partira en tournée en Allemagne dès le lendemain matin. Malgré la mise en avant d’une éthique égalitaire entre les salaires des différents membres du Team Européen de Rollerblade, Taïg apprendra rapidement que ses collègues ne touchent pas deux mille marks mais deux mille sept cent marks. Malgré ses problèmes d’argent, il rappellera le responsable de la marque pour lui annoncer qu’il refusait le contrat à moins d’une proposition à quatre mille marks. Cinq minute après le refus de Rollerblade, l’entreprise change d’avis et recontacte Taïg en lui proposant trois mille huit cent marks. Deux ans après la signature de ce contrat, il aura remboursé les deux cent mille euros de dettes de ses parents, levé l’hypothèque de leur maison et remboursé les deux amis qui avaient aidé ses parents à ouvrir le restaurant.

En dix ans, Taïg Kris remportera soixante-quinze victoires sur cent quinze compétitions professionnelles et deviendra triple champion du Monde. Il obtiendra son premier titre de Champion du Monde, en 1997, après avoir réalisé le 900 degré qui l’avait fait chuter une année auparavant.

Malgré une subluxation de l’épaule durant un entrainement, qui aurait mérité une opération et la rupture des ligaments de son genou durant la compétition, Taïg deviendra le premier sportif à réaliser un double flatspin durant les Gravity Games.

Après deux ans de travail acharné, de discussions et de négociations avec les différentes institutions de la ville de Paris qui lui promettront de nombreuses réponses négatives, après de longues recherches de sponsor et de financement, le rêve de Taïg Khris se réalisera. S’il avait projeté de réaliser un saut en longueur au dessus de la Seine, face à Notre Dame, les nombreuses restrictions qu’impose la ville de Paris alliées à la sueur de son front le mèneront jusqu’à la Tour Eiffel. Le 29 Mai 2010, Taïg Khris entrera dans le livre des records en s’élançant d’une plateforme située an niveau du premier étage de la Tour Eiffel.

Un an après ce record de saut dans le vide, il décrochera le record du saut en longueur en sautant de la basilique du Sacré-Cœur sur une longueur de 29 mètres.

Au final, Taïg écrira « Ma plus grande victoire aura été de croire jusqu’au bout que tout est possible ».

La persévérance, l’altruisme et la passion pour la vie et son apprentissage, ont fait de Taïg Khris un Champion de Roller et un Businessman invétéré. Sa maitrise totale des différents domaines qu’il rencontre sur le chemin de ses objectifs font de lui un véritable couteau Suisse de la débrouille. A l’âge ou la plupart d’entre nous subissaient les enseignements de l’Education Nationale, Taïg apprenait la vie par la vie. La vie pratique et l’analyse de ses problèmes lui a permis de connaitre la nature de l’enseignement théorique qui allait réellement lui servir. Au final, l’autodidacte, contraint par son seul désir d’apprentissage finira par emmagasiner bien plus de connaissance que la population moyenne. En janvier 2014, l’enfant du Trocadéro deviendra PDG et fondateur de la société Onoff Télécom.

 

Si le parcours de Taïg Kris vous inspire, je vous conseille de lire son autobiographie Courber le destin sur laquelle je me suis appuyée pour la rédaction de cet article. (Ceci est un lien d’affiliation)

 

Et toi, qu’as-tu appris à l’école que la vie n’aurait pas pu t’apprendre ?

Penses-tu que la théorie de notre enfance nous donne les armes psychologiques nécessaires pour affronter les difficultés de la vie réelle ?

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