SIBYLLE CLAUDEL (Un cœur tendre dans un corps de pierre)

SIBYLLE CLAUDEL (Un cœur tendre dans un corps de pierre)

SIBYLLE CLAUDEL

(Un cœur tendre dans un corps de pierre)

 

Aujourd’hui, je vais vous parler du parcours d’une femme dont toute l’adolescence a été ponctuée d’abandon. Malgré tout ce que la vie et ses proches lui font endurer, son corps de pierre, la tiendra en vie pendant que la tendresse de son cœur continuera à porter un amour sans faille à ceux qui l’entourent.

 

I/ A l’état brut

Sibylle Claudel est né en 1969.

Introvertie, la petite fille n’a aucune estime envers sa propre personne. Trop occupée à penser au bien-être des autres, elle a tendance à s’effacer et s’oublier.

Hypersensible, elle a la peur omniprésente de l’abandon. En particulier de celui de sa mère. En effet, chaque jour d’école est source d’inquiétude pour Sibylle qui, chaque matin, hurle à sa mère de ne pas la laisser. Chaque jour, la peur ne faiblit pas avant 16H30, heure à laquelle elle se jette dans les bras de son seul repère sur Terre.

Faisant tour à tour office de qualité et de défaut, son impulsivité la plongera dans des montagnes russes. La faisant d’abord glisser dans la rue et la petite délinquance, puis s’élancer vers une carrière de comédienne.

Les parents ont souvent tendance à s’inquiéter lorsqu’ils donnent naissance à un enfant introverti et hypersensible. Pourtant, je pense que cette combinaison de faiblesses peut devenir une force une fois bien apprivoisée. En effet, je crois que c’est souvent cette hypersensibilité qui entraine l’impulsivité. Même si cette dernière sera d’abord un défaut pouvant mener sur la mauvaise route, je pense qu’avec un peu de travail, il est possible de la transformer en un énorme atout. L’introverti, à défaut de s’extérioriser, passe énormément de temps à observer, à penser, à réfléchir. Il finira par trouver un équilibre entre ses deux traits de caractère pour que leur fusion le remette sur le droit chemin et lui donne une nouvelle force : celle de se battre.

En fait, je pense que ceux sont les faiblesses de Sibylle Claudel qui lui ont sauvé la vie.

 

II/ Situation familiale

Dès sa petite enfance, Sibylle appellera sa mère, qu’elle admire pour sa bravoure, sa serviabilité et sa générosité, Maria. Malgré sa profession d’infirmière, la famille monoparentale a des difficultés financières.

Quelques années après la naissance de Sibylle, la mère de famille donnera naissance à un petit garçon, Nicolas, qui ne sera reconnu par aucun père. Il ne vivra que durant sept mois et onze jours.

Un mois après le décès du bébé, Maria rencontre Simon avec qui elle aura un troisième enfant qu’elle prénommera Antoine.

Son père, Jean l’a abandonné à la naissance. Lorsqu’elle sera dans l’obligation d’aller vivre chez son père, ce kinésithérapeute aura refait sa vie avec Magalie qui lui aura donné deux fils, Jean-Baptiste et Thomas.

Sa grand-mère, qu’elle rencontrera à l’âge de 12 ans, s’appelle Simone. Elle vivra chez elle quelques mois avant de partir à la DDASS.

Malgré les trois foyers familiaux dans lesquels elle vivra, personne ne lui apportera d’affections, d’écoute, ni d’amour. Elle vivra sans aucune considération de la part de sa propre famille.

On oublie souvent l’importance du dialogue au sein d’une famille, d’une communauté ou d’un peuple. Le manque de dialogue se transforme peu à peu en non-dits qui, généralement se transforment en secrets familiaux, en secrets d’Etat.

Je crois que l’écoute doit être le ciment de la relation enfant-parents.

Sibylle Claudel vivra toute sa vie sans la moindre écoute familiale. Elle gardera tout pour elle. Ses émotions positives comme négatives, ses nombreux malheurs, ses rares petits bonheurs, ses questionnements, ses doutes et ses peurs.

Un être humain, aussi fort qu’il soit ne peut vivre sans communication, tôt ou tard, tout ce qu’on garde à l’intérieur de nous forme un effet boule de neige et la montagne que nous croyons être s’effondre.

C’est pourquoi il faut toujours accepter de dialoguer mais surtout, encourager les autres à le faire.

 

III/ Ses échecs, ses blessures

C’est dans sa petite enfance que Sibylle Claudel a connu son premier drame en perdant son petit frère Nicolas. Alors qu’elle ne voyait plus que par ce bébé, sa mère lui annonça, sans aucune explication « Ma chérie, ton petit frère est mort ». Accablée par le chagrin, elle n’osera pas parler de son chagrin à sa mère pour ne pas alourdir la peine de cette dernière. Pourtant, Sibylle sera, toute sa vie, persuadée que Maria est à l’origine de ce décès.

Mais c’est à l’âge de onze que tout bascule pour Sibylle Claudel. En effet, c’est à cet âge que sa mère, dépressive, ne se sentant plus apte de l’élever, lui donna son premier dilemme : aller à la DDASS ou partir à la rencontre de son père.

A cet âge où nous avons plus que jamais, besoin d’être guidé par ses parents, elle se retrouva seule face à cet abandon et sa première prise de décision.

Elle réfléchit un moment et en vint à la l’analyse suivante : « Je ne sais pas ce que c’est la DDASS, elle n’a pas de nom, de nom de famille. Mon père, je ne le connais pas, mais au moins c’est quelqu’un. Et puis il connait, enfin il connaissait ma mère». C’est ainsi qu’elle fut contrainte de prendre la décision d’aller vivre chez son père.

Elle découvre alors un père très pris part son travail n’accordant pas beaucoup de temps à sa famille, une belle mère qu’elle comparera à celle de Cendrillon et ses deux jeunes demi-frères.

Elle subira les humiliations de la nouvelle femme de son père comme celle d’être interdite de repas lorsque ce dernier avait été commandé chez le traiteur.

Souffrant de ne rien avoir, ni au niveau affectif ni au niveau matériel, face à ses demi-frères qui ont tout, elle deviendra violente avec ces derniers et les frappera de toutes ses forces. Elle veut les entendre hurler, pleurer et voir leur terreur. C’est sa façon de se venger de son mal-être, des humiliations de sa belle mère, de ce manque d’attention et de cette solitude omniprésente.

C’est alors que, tel un « colis qu’on se refile comme une patate chaude », elle sera expédiée chez la mère de son père. Cette dernière maniaque et catholique est stricte mais ne lui donne que très peu d’amour. Simone finira finalement par l’envoyer, quelques mois plus tard à la DDASS.

Elle va alors connaître la douloureuse vie des foyers remplis d’enfants et d’adolescents en souffrance ne pensant qu’à se venger sur ceux qui les entourent.

Alors Sibylle commencera à enchainer les fugues.

C’est à l’âge de 13 ans qu’elle rencontre son premier petit ami. Elle ne l’aime pas vraiment et n’est pas prête à perdre sa virginité. Mais la peur d’être une nouvelle fois abandonnée par la seule personne qui lui donne de l’amour la poussera à lui offrir son premier rapport charnel.

C’est aussi chez lui qu’elle se réfugie lors de ses premières fugues. Dans un premier temps, elle fuit pour qu’on la rattrape, pour ressentir l’importance qu’on lui donne aux moments des recherches. Ensuite, elle partira à la recherche de la liberté, consciente de la difficulté de vivre dehors sans nourriture, sans lit, sans toit, mais déterminée à vivre par ses propres moyens.

Submergée par un nouveau rejet de sa mère lorsqu’elle lui rendra visite après une énième chute, Sibylle tentera de se suicider en avalant des cachets.

A son retour au foyer, elle tentera d’adopter un comportement exemplaire, mais la tentation du monde extérieur sera trop forte.

C’est alors qu’elle errera des journées entières dans les rues, préférant passer son temps en garde à vue plutôt qu’à l’école. C’est ainsi que la DDASS la renverra chez son père.

Mais, son père, ne voulant pas s’en occuper, laissera sa fille de 15 ans à la rue, lui laissant pour seule aide financière, 200 francs.

Elle devra alors se débrouiller seule pour survivre, se laissant faire lorsque Claude veut faire l’amour, juste pour avoir un toit sous lequel dormir.

C’est en faisant de petits ménages et avec l’argent de Claude, qu’ils trouveront un studio où loger. Mais après une crise de jalousie où ce dernier frappera Sibylle, ils se sépareront.

Elle fera donc la manche et rencontrera son nouveau compagnon, Francis, qu’elle n’aimera pas non plus, mais qui la laissera dormir dans sa voiture en échange de rapports sexuels.

A 16 ans, elle se réfugie dans une maison abandonnée sans porte ni fenêtre. Elle n’a pas assez d’argent pour se nourrir convenablement, pour s’habiller, ni pour se soigner. Elle n’a plus de force, sa santé se détériore jusqu’au malaise qu’elle subira en faisant la manche. Elle se réveillera dix jours plus tard à l’hôpital.

Après un long séjour d’un mois, elle réintègrera un foyer provisoire en attendant d’entrer dans un Service d’Accueil en Ville où elle sera enfin épaulée par une éducatrice qui lui donnera toute sa confiance et où elle recevra une aide financière de 1000 francs par mois.

Elle suivra alors une formation d’esthéticienne et décrochera un emploi de serveuse en discothèque, mais ne trouvera pas encore la force de s’occuper de son ménage.

Puis, elle tombera amoureuse de Jean Charles avec qui elle décidera rapidement d’emménager. Mais elle ne s’intégrera pas dans cette nouvelle vie, dans cette nouvelle famille.

De retour d’un séjour chez sa mère qui a décidé de reprendre contact avec elle, elle quitte son ami, trouve un emploi d’hôtesse et s’installe dans une chambre d’hôtel « minable ».

Lorsqu’elle a 20 ans, son père décède. Peu de temps après, son demi-frère perd, à son tour, la vie.

Mais malgré tous ces drames, malgré le décès de sa mère qu’elle aura aidé pendant de nombreux mois à lutter contre la dépression et les tentatives de suicides, Sibylle Claudel veut vivre. Elle veut s’éloigner du malheur pour croire au bonheur.

Même si les organismes d’aide, comme la DDASS, offrent aux enfants le nécessaire vital et le confort d’avoir un toit, ils ne donnent souvent pas toute l’attention que ces jeunes individus méritent. Ces derniers, pour la plupart, déséquilibrés émotionnellement, exprimeront alors leurs rancœurs par la violence, envers eux même mais aussi envers les autres, créant ainsi un climat inconfortable, invivable.

Alors certains, comme Sybille Claudel, préfèreront quitter cette prison argentée en perdant tout confort matériel au nom de la liberté. Malgré les difficultés qui incombent à la vie de rue, malgré ses risques et ses dangers, ces adolescents sont prêts à tout affronter pour s’extraire de leurs chaines les reliant à un univers sans considération, sans âme, sans vie.

 

IV/ Sa réussite

Malgré cette adolescence brisée, Sibylle Claudel à choisi de vivre.

Habituée à se débrouiller par ses propres moyens, elle connaît l’importance de travailler, mais, à défaut d’avoir de beaux souvenirs personnels, elle décide de vivre de ses envies, de ses passions.

Alors elle profitera d’une rencontre qui lui mettra le pied à l’étriller.

C’est dans le restaurant luxueux et fréquenté par les personnalités du show-biz qu’elle discutera avec un présentateur de télévision à qui elle confiera être intéressée par le milieu de la télé. C’est alors qu’il lui proposera de devenir standardiste pour l’émission « La Roue de la Fortune ». Elle découvre ainsi un métier qu’elle aime ainsi qu’une vie sociale avec des collègues qui s’inquiètent vraiment pour elle et avec qui elle peut parler de choses plus légère que tout ce qu’elle a vécu jusqu’à présent.

Mais Sibylle veut évoluer, elle profite de ses moments de libre pour poser sa candidature dans d’autres maisons de production.

C’est ainsi que Nicolas Hulot, convaincu par son courrier et sa prestation lors de  son entretien d’embauche, lui propose de devenir assistante de production à seulement 19 ans.

Après une dépression, notamment due au décès de son père, elle décide d’aller devant l’immeuble de Canal Plus où elle restera pendant trois jours à interpeller le personnel sortant du parking.

Le troisième jour, Didier Froëli, un réalisateur d’émissions télévisées, touché par sa démarche lui offre la formation qu’elle désire.

Elle devient alors scripte pour une émission littéraire et gagne bien sa vie.

C’est là qu’elle rencontrera Vincent, le caméraman avec qui elle découvrira enfin l’amitié réciproque, sincère et sans arrière pensée.

En parallèle, elle suit des cours de comédie. La comédie la passionne, mais c’est aussi une forme de thérapie qui s’impose à elle.

Suite à un courrier court mais audacieux, Sibylle est convoquée à Canal où elle présentera désormais la Météo.

Les gens la reconnaissent dans la rue et Sibylle se sent enfin importante.

Après de nombreux castings, elle décroche un rôle de comédienne. Son rêve se réalise.

Après tous les nuages qu’elle a traversé, Sibylle Claudel trouve enfin son soleil. « Même pas morte », elle est dans la lumière, la lumière de la vie.

On a tendance à se plaindre quand ça ne va pas, quand nos proches sont un peu moins proches de nous, parce qu’ils ont parfois d’autres choses à penser, d’autres problèmes à régler.

Mais à force de se prendre pour le nombril de la Terre, on oublie souvent que d’autres n’ont pas cette chance que la plupart d’entre nous avons.

Alors, trop occupé à se plaindre sur notre sort, trop habitué à vivre dans notre cocon de confort et d’amour, nous passons à côté d’instants uniques, d’opportunités.

Sibylle Claudel n’avait rien et elle s’est battue jusqu’au bout. Elle n’avait rien et savait qu’elle ne risquerait pas d’avoir moins que rien alors elle a tenté le tout pour le tout.

 Elle a osé ce que beaucoup d’entre nous n’oseraient, pour obtenir ce que beaucoup d’entre nous n’avons pas.

 

Si l’histoire de Sibylle Claudel vous inspire, je vous invite à lire son autobiographie Même pas morte . (Ceci est un lien d’affiliation)

 

Et toi, si tu n’avais rien, si tu ne risquais rien, qu’oserais-tu dire ? Qu’oserais-tu faire ?

Ne t’est-il jamais arrivé d’avoir des remords de ne pas avoir risqué de regretter ?

 

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