DAVID DOUILLET (Ou l’art de chuter pour mieux se relever)

DAVID DOUILLET (Ou l’art de chuter pour mieux se relever)

En tant qu’ancienne judoka, je ne pouvais pas ouvrir la catégorie du sport sans parler de celui qui m’a donné envie de monter sur les tatamis. En effet, la sagesse et le courage de David Douillet m’ont toujours fasciné. Le judo lui a appris à chuter pour mieux se relever et le judoka deviendra maitre en la matière.

 

I/ A l’Etat Brut.

C’est le 17 Février 1969 que David Douillet verra le jour à Rouen.

A l’image des sports mécaniques qu’il pratiquera, David aime vivre à deux cents à l’heure. Passionné et doté d’une certaine inconscience face aux dangers, il navigue entre les extrêmes. Pouvant par exemple, manger tout ce qui lui passe sous la main durant ses repos, puis ne plus s’autoriser aucune entorse à son régime en période de compétition.

Il s’épanouira d’ailleurs dans les sports extrêmes, seuls à savoir lui procurer de petites montées d’adrénalines.

Paradoxalement, il lui arrive de traverser des phases de paresse excessive, où il lui devient impossible de faire quoi que ce soit. Fatigué par l’intensité de la vie qu’il mène, ces moments de repos le rendent irritable.

Obstiné et orgueilleux, il a beaucoup de mal à supporter que l’on aille à l’encontre de ses idées fixes. Mauvais perdant, il se débrouille toujours pour avoir le dernier mot même lorsqu’il se sait en tort.

Mais c’est sa générosité qui gagnera le cœur des Français. En effet, il profitera de chaque occasion pour mettre sa notoriété au service des autres, en offrant notamment de son temps à la jeunesse.

L’une des volontés de Jigoro Kano, le créateur du judo était d’apprendre à ses élèves à se servir de la force de leur adversaire, mais aussi à apprivoiser leurs propres faiblesses pour les transformer en force. Et au-delà des qualités de David Douillet se sont surtout ces défauts qui le mèneront vers les sommets. En effet, sans son entêtement à suivre son instinct, sa fierté et son mépris pour la défaite, il n’aurait probablement pas été Champion Olympiques aux Jeux de Sidney en 2000.

 

II/ Un environnement familial.

Son père, Donald, abandonna David Douillet, peu après sa naissance.

Lorsqu’il eu quatre ans, Danielle, sa mère, rencontra Philippe qui deviendra son père adoptif. Le couple s’installant dans le canton de Vaux en Suisse pour raisons professionnelles, David sera élevé par sa grand-mère à qui il vouera un amour sans faille. Il ne gardera aucune rancœur envers sa mère pour cet éloignement familial, avouant que les seuls conflits qui se créent parfois entre eux ne sont dût qu’au caractère de cette dernière dont il a lui-même hérité. Fiers et directifs, il arrive que les conversations se soldent par la victoire de celui qui criera le plus fort. Leur complicité grandira avec la carrière du judoka. Alors qu’elle ne connaissait rien à la discipline, sa mère suivra chacune de ses compétitions, s’inquiétant de chaque étape qui les constituent, de la préparation jusqu’au combat, en passant par la pesée. Elle ira même jusqu’à aller étudier les combats des potentiels adversaires de son fils.

Malgré l’éloignement, c’est à Philippe qu’il se confiera. Connaissant sa franchise et son aptitude à ne pas passer par quatre chemins, c’est à lui qu’il fera appel pour répondre à ses questionnements d’adolescent. Compétiteur dans l’âme, le père adoptif contribuera à forger ce sentiment dans la tête du fils.

A l’âge de 25 ans, suite à sa paternité récente, David Douillet décidera de rechercher son père. En reprenant contact avec lui, il apprendra l’existence d’Aurélia, sa demi-sœur de sept ans sa cadette. Tous deux heureux de découvrir cette fraternité, ils garderont une relation bienveillante, tentant sans cesse de rattraper le temps perdu. Le grand frère prendra son nouveau rôle très à cœur s’appliquant à la guider dans son parcours et à répondre au mieux aux interrogations de la jeune femme. Sans rancune sur le passé, David et Donald seront fin prêts pour tourner la page et écrire leur histoire.

On entretient souvent des rancœurs vis-à-vis de nos parents pour l’éducation trop stricte qu’ils nous ont donnés ou au contraire, leur absence. Ces jugements nous privent non seulement de reconstruire une nouvelle histoire familiale, mais aussi de nous construire individuellement en tant qu’être, puis en tant que parents. Pour nous épanouir en tant qu’individu, inculquer de vrais valeurs à nos enfants et accepter à notre tour l’inéluctabilité  des erreurs que nous ferons auprès d’eux, nous avons besoin d’être en paix avec notre passé et nos géniteurs. David Douillet a décidé de faire l’impasse sur les choix de ses parents afin de vivre à son tour son rôle de père et d’appliquer sa propre vision de la paternité et de la famille.

 

III/ Ses échecs et blessures.

Tout au long de son adolescence, David Douillet souffrira d’un complexe lié à sa carrure. En effet, à l’âge de onze ans, il mesurait déjà un mètre quatre-vingt et pesait quatre-vingt kilos. « L’habit ne fait pas le moine » prend alors tout son sens. Le garçon aura du mal à supporter le fait de toujours devoir se justifier sur son âge. En effet, son gabarit hors norme n’avait pas entrainé son esprit d’enfant au stade adulte. A chaque discussion avec des gens qu’il venait de rencontrer, David devait attendre qu’un membre de sa famille annonce son âge, avant de pouvoir parler, au risque que l’on soit choqué de son manque de maturité.

Il souffrira aussi de son manque de succès auprès des filles. Sa taille n’attirant pas les adolescentes de son âge, il ne jouera auprès d’elles que le rôle du bon copain.

Le 6 Mars 1993, il perdra son ami, Thierry Harismendy dans un accident de la route. Au cours de leur séjour au Japon, David rentrait d’un restaurant avec quatre de ses amis lorsqu’une voiture percutera Thierry. Il restera aux cotés de lui, jusqu’à ce que les secours arrivent, même s’il n’aura fallut que quelques minutes avant que son ami ne s’endorme. Lorsqu’il apprit que le Japon a été désigné pour accueillir les Championnats du Monde 1995, il eu besoin d’un moment de réflexion avant d’accepter de participer à la compétition.

C’est à la fin du mois de Septembre 1996 que la vie de David Douillet a failli basculer. Après sa victoire aux Jeux Olympiques d’Athènes et la médiatisation qui en a découlé, il décide de s’offrir un moment seule avec une autre de ses passions, la moto. Alors qu’il commence tranquillement sa balade sur l’autoroute, il voit un automobiliste se rabattre sur la file de gauche où il se trouve. A cet instant, il se retrouve propulsé à cinq mètres du sol avant de finir sa chute dix mètres plus loin. La chute justement fut déterminante à la survie de David Douillet. En effet, s’il n’avait pas effectué une reproduction parfaite de ce qu’on lui a enseigné au dojo, l’homme ne se serait jamais relevé. La chute ayant bloqué son diaphragme, il fit preuve de sang froid en expirant, comme il l’avait appris sur les tatamis, tout l’air présent dans ses poumons. Ensuite, il comprendra vite que la chute n’a pas totalement épargné son épaule et sa jambe droite. Il trouvera malgré tout la force de se relever pour se mettre à l’abri en attendant les pompiers. C’est en arrivant à l’hôpital qu’il comprit la gravité de sa blessure au mollet. Une plaie béante laissait entrevoir la déchirure de  son muscle, laissant les médecins interrogatifs au sujet de l’usage qu’il pourrait faire de sa jambe après l’opération. Pour son épaule, le premier diagnostic n’annonçait qu’une simple luxation, mais David, connaissant parfaitement son corps, demanda un nouvel examen. Ce dernier prouva la présence d’une luxation stade 3. Il fut donc reconduit au bloc opératoire pour une seconde intervention. C’est après quatre jours d’hospitalisation et la prise de nombreux cachets que David Douillet commença à s’inquiéter au sujet d’une potentielle retraite sportive anticipée. Voulant mettre toutes les chances de son côté et reprendre la route du dojo au plus vite, il décida de changer de traitement et demanda à ce qu’on ouvre son plâtre et qu’on lui mette des électro-simulateurs à travers.

D’ordinaire plutôt casse-cou, David Douillet connaît l’importance d’une chute. Son accident de moto est la preuve que l’important n’est pas la raison de la chute, mais la manière dont on chute. Dans la vie, nous avons parfois peur de prendre des risques, nous redoutons la chute qui précèdera l’échec. Alors au lieu de chercher des solutions afin d’alléger une potentielle chute, nous nous focalisons sur l’éventuel échec et faisons demi tour.

Si, lors de son accident, David Douillet était resté paralysé sur la vision de l’échec, il en aurait perdu la vie.

 

IV/ Sa réussite.

La première consécration de David Douillet arrivera lorsqu’il aura 17 ans, soit six ans après ses premiers pas sur les tatamis en devenant champion de France Junior.

En 1992, il décrochera la médaille de bronze au Jeux Olympiques de Barcelone avant de braver une seconde fois l’Olympe à Athènes où il sera alors sacré Champion Olympique.

Durant ces années de préparation, il deviendra Champion du Monde en 1993, puis, aidé par le souvenir de Thierry Harismendy, renouvèlera sa performance en 1995, où il remportera cette fois le titre parmi les poids lourds mais aussi en Open.

Quatre mois après l’accident qui a failli lui couter la vie, il battra son record sur le banc de musculation avec des triples flexions à 700Kg. Puis, en mai, il gravira l’Alpe-D’Huez en vélo une heure et quelques minutes.

En 1997, il deviendra quadruple Champion du Monde à Bercy, se hissant ainsi au rang du judoka le plus titré du Monde. A ce jour, il fait d’ailleurs toujours partit du trio mondial de tête puisqu’il reste le second judoka le plus titré du Monde, derrière Teddy Riner.

Le 22 Septembre 2000, David Douillet réalisera un nouvel exploit malgré un début de journée inquiétant. Son accident de moto lui ayant laissé d’importantes séquelles, cela fait quelques jours que des petits os bougent à l’intérieur de son coude. Le dernier jour de sa carrière sportive arrive alors et il compte bien la finir en beauté. Mais jouant de malchance, c’est aussi le jour qu’à choisi son articulation pour se bloquer. Il ne perdra pas un instant pour aller voir son médecin, Didier Rousseau extraira 12cm3 « d’un liquide jaunâtre ». Puis il prendra la route du dojo pour disputer son premier combat contre Tataroglu, un turc de 152 kilos. Qualifié pour les quarts de finale, il se mesurera au Belge, Hari Vanbarneveld, qui bien plus qu’un adversaire, est avant tout un ami du judoka français. Puis il battra Pertelson, un estonien dont le poids résulte d’une importante masse musculaire. Malgré le problème de son coude qui persiste durant ses combats, David réussi à placer un Uchi Mata marquant rapidement un Ipon.

Encore marqué par les traces de son accident de moto, quatre ans auparavant, David Douillet se retrouve en finale contre le Japonais Shinohara qu’il n’a jamais fait chuter. Le chrono démarre, le français profite comme toujours, de sa prise de garde pour prendre la température de son adversaire. David Douillet sentant son adversaire fatigué n’attendra pas longtemps pour lancer sa première attaque. Pour la première de sa carrière, il mettra ainsi le japonais à Terre. Après avoir marqué de Yuko, le chronomètre s’arrête, David Douillet est double champion Olympique.

Lorsqu’un journaliste lui demandera s’il s’agit du plus beau jour de sa vie, il répliquera que non, que les plus beaux jours de sa vie sont la naissance de ses enfants.

Malgré l’intensité de la vie qu’il mène et son divorce avec la mère de ses deux premiers enfants, il attachera une importance toute particulière à l’éducation de ses enfants. Avec Valérie, sa nouvelle femme, ils formeront une famille recomposée où l’égalité et la fraternité seront les maitres mots.

C’est après avoir vécu les moments les plus sombres de son existence que David Douillet a réalisé ses plus grands exploits. Il a su chuter pour mieux se relever. Après coup, se sont ses blessures qui ont entretenu son âme de combattant.

Lorsque nous traversons des moments difficiles, nous nous demandons pourquoi le sort s’acharne contre nous. En réalité, je pense que rien arrive au hasard et que les épreuves que nous surmontons nous donnent de nouvelles armes pour avancer.

Sans son accident, David Douillet n’aurait peut-être pas trouvé la même motivation pour répéter chaque jour les mêmes entrainements et heures de musculation. Il n’aurait probablement pas eu les ressources morales pour battre son record de triples flexions. Alors qu’il a failli perdre la vie, David Douillet a finalement reconquit l’Olympe.

 

Si le parcours de David Douillet vous inspire, je vous invite à lire son autobiographie « L’âme du conquérant » (Ceci est un lien d’affiliation)

 

Et toi, laquelle de tes chutes as-tu transformé en podium ?

Lequel de tes défauts pourrais tu transformer en mine d’or ?

Une réaction au sujet de « DAVID DOUILLET (Ou l’art de chuter pour mieux se relever) »

  1. Quel grand champion et homme exceptionnel ! il a su rebondir malgré l’abandon de son père, il a su panser ses plaies pour être en paix avec son passé et renouer avec son géniteur, je pense que c’est la clé de la paix intérieure.
    Par contre, c’est après les JO d’Atlanta qu’il a eu son accident de moto et non ceux d’Athènes, ces derniers se sont déroulés en 2004. lol

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